Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DEKASMOU GRAPHE

DEKASMOU GRAPHE

DEIi ASIIOU GRAPIIG, dexaagoû Terri. La corruption, par dons ou par promesses, des Athéniens investis de fonctions publiques, ou même simplement appelés à jouer un rôle dans l'organisation politique ou judiciaire d'Athènes, donnait lieu à deux actions publiques. L'une, la Sexaagov ypcLr, était intentée contre le corrupteur, l'autre, la So,ot.ly ou Ss,poâoxlaq ypaxrl, était donnée contre celui qui avait accepté les dons ou les promesses'. Tombaient, par conséquent, sous le coup de ces actions, la corruption des magistrats, des généraux, des ambassadeurs, celle des sénateurs ou des membres de l'assemblée du peuple, celle des orateurs, celle des héliastes, etc.' On ne faisait même aucune différence entre le cas où le corrupteur avait en vue un dommage à causer à la République et celui ou il cherchait seulement à léser un intérêt privé'. Il faut aller plus loin encore et reconnaître que la loi athénienne, devançant l'article 177 de notre Code pénal, était applicable à certains fonctionnaires, qui acceptaient des dons ou des promesses pour un acte juste de leurs fonctions. Le droit romain et notre ancienne jurisprudence ont été moins rigoureux; ils ne paraissent avoir songé à punir que la corruption tendant à une injustice. Il y a certainement, au point de vue moral, une grande différence entre celui qui retire un gain illicite de ses fonctions, sans en abuser, et celui qui met à prix l'influence dont il dispose pour la consacrer à des actes coupables. Mais un moraliste scrupuleux dira toujours qu'un acte, même juste, peut être légitimement incriminé, lorsqu'il est fait à la suite d'un don ou d'une promesse; le fonctionnaire public devient criminel par le seul fait de recevoir ce qui ne lui est pas dî14. Méme au point de vue de la loi civile, il y a faute à stipuler un prix pour faire une chose que l'honneur et la probité commandent de faire gratuitement'. Platon appliquait cette doctrine lorsqu'if demandait qu'on punît de mort tout fonctionnaire qui reçoit des présents, même dans le cas où le donateur a seulement voulu l'exciter à faire le bien C'est en vertu de tels principes qu'un citoyen fut condamné pour avoir reçu une libéralité d'Artaxerxès-Longue-Main, bien que cette générosité se fût produite pendant qu'il négociait un traité très honorable pour la. République7. Les deux actions, Sexaasot ypassj et SeipelyypaL , ren traient l'une et l'autre dans l'hégémonie des Thesmothètes 3. Toutefois, dans le cas où il y avait eu corruption des orateurs, on suivait la procédure de l'aloayyEMa9. Les renseignements les plus contradictoires nous sont donnés sur la peine à laquelle était condamné l'accusé reconnu coupable. Nous savons seulement avec certitude que le corrupteur et le corrompu étaient sur un pied d'égalité10. La plupart des textes, dans lesquels les orateurs font allusion à la Ssxaa;zoû ypuy rt ou à la Sôôpoiv.ypamrlf, nous présentent le crime de corruption, active ou passive, comme un crime capital : l'accusé, s'il est reconnu coupable, sera puni de mort''. Mais les mêmes orateurs, dans d'autres textes, ne parlent plus que d'ATISIIA, c'est-à-dire de dégradation civique''. Ailleurs, il est question d'une confiscation générale de tous les biens du condamné13, tandis qu'on peut lire, dans Andocide, que l'atimie, dans le cas de Sotpav y, as' , exerce seulement son influence sur la personne, qu'elle n'atteint pas les biens et que le condamné garde sa fortune 14. Enfin if y a des textes qui gr. IV, p. 35, note 1.-3 Demosth. C. Mid., § it3, Reiske, p. 551 ; C. Steph,su. ll, § 26, R. p. 1137. Dem. De tala leg. § 7,R. 343. e Voir les autorités citées par Faustin Héne et Chauveau, Théorie du Code pénal, t. II, n° 842; Demolombe, leg. §§ 273 et s., R. p. 428. 8 Dem. C. Stephan. Il, § 26, R. 1137. 9 Hyperid. Pro Eux.. §§ 7, 30 et 31, Didot, p. 376 et s. 10 Aeschiu. C. Timarch. § 87, D. p. 45. 11 Isocr. De Pace, § 50, D. p. 108; Lysias, C. Epicrat, §§ 7 et 8, D. p.212 ; Aeschiu. C. Timarch. § 87, D. p. 45; Dem. Philipp. HI, § 37, Reiske, p. 120; Diuarch. C. Aristogit. §§ 4, i6 et 20, D..p. 175 et 177; C. Philocl. § 5, D. p. 179. 12 Aesch. C. Ctesiph. § 232, D. p. 139; Dem. C. Mid. § 113, R. p. 551 ; Andoeid, De Myst. § 74, D. p. 60. 13 Lysias, Apolog..§§ Ii et 25, D. p. 192 et 194; permettent de croire à une simple peine pécuniaire, une amende, fixe ou proportionnée au prix de la corruption : le décuple, le quintuple de la somme illégalement reçue 1'. Pour concilier ces textes, diverses explications ont été proposées. Meier enseignait que les juges avaient un pouvoir d'appréciation et qu'ils déterminaient souverainement, en connaissance de cause, quelle peine devait être appliquée 1fi. M. Thonissen pense que le législateur avait prévu les principaux faits de corruption et puni chacun d'eux, suivant la gravité de l'acte et le degré de culpabilité du délinquant; ainsi la corruption de l'assemblée. du peuple ou des tribunaux était punie de mort, tandis que les faits de corruption auxquels se réfère l'Apologie de Lysias n'étaient réprimés que par l'atimie et par la confiscation des biens; dans d'autres circonstances, les coupables n'étaient exposés qu'à une amende17. N'arriveraiton pas au résultat désiréen adoptant une opinion rigoureusement conforme à un texte très précis de l'orateur Dinarque18? Pour la répression du délit qui nous occupe, le législateur avait laissé aux juges le choix entre deux peines : la mort ou une amende décuple de la somme reçue f9. A la peine de mort étaient attachés ses effets habituels, la confiscation des biens et l'atimie; l'amende, de son côté, était accompagnée de certaines déchéances civiques. Dans les passages que nous avons cités, les orateurs visent, suivant le point de vue auquel ils se placent pour faire plus d'impression sur les juges, tantôt la peine principale, tantôt la peine accessoire'°. E. CAILLE5nta.